Bien que je vive à Paris depuis plus de sept ans, je n’y avais encore jamais fêté la nouvelle année. J'avais toujours préféré filer vers des contrées plus chaudes. L’année dernière, j’ai dérogé à la tradition pour la première fois. En préambule de ce récit : la soirée a été formidable et l’occasion unique d'assister à des différences culturelles flagrantes entre la France et l’Allemagne.
En France, point de fondue ni coulage de plomb ni de feux d’artifice ou de sketch Dinner for One. Alors que les tirs de pétards et les feux d’artifice sont si nombreux à Berlin même plusieurs jours avant le 31 décembre qu’on se croirait dans la bande de Gaza, à Paris le calme règne. Seuls les feux d’artifice officiels sont autorisés, et ce, uniquement le 14 juillet, le jour de la fête nationale. Une seule chose est identique à Paris : à peu près quatre jours avant le nouvel an, les demandes nerveuses d'amis arrivent par sms et messenger, avec tous la même question : « Qu’est-ce que tu fais pour le Nouvel an ? » Sachant que les Parisiens habitent généralement dans des appartements pas plus grands qu'une chambre en résidence universitaire allemande, les grandes tablées sont naturellement limitées. L’invitation spontanée de Serge – le seul dans mon cercle d'amis qui dispose d'un « salon » digne de ce nom a naturellement reçu un accueil plus que favorable.
En seulement deux jours, un groupe de 15 personnes a été mis sur pied pour un dîner de réveillon - un acte en d'autres occasions « mission impossible » dans les grandes villes. « Tu n'as qu’à apporter quelques huîtres et du champagne, nous gérons le plat principal » ai-je reçu comme vague instruction quant à la répartition du travail. Les Français, comme je le remarque sans cesse, sont maîtres dans l’art de la cuisine et de l'improvisation culinaire. Alors qu’en Allemagne, il est de bon ton que tout soit parfaitement prêt à l’arrivée des invités, en France, le dîner s’apparente à un projet commun qui débute avec les premiers invités. Une chorégraphie sociale, à laquelle chacun peut participer selon ses compétences et ses envies. Les impatients doivent se faire une raison.
Il faut savoir qu’une invitation à dîner à Paris se déroule de manière générale différemment des habitudes allemandes. 20 h est une indication et non un horaire précis. Les invités affamés et ponctuels sont généralement mal reçus : « Ahhh, tu es déjà là ? » est un commentaire que j’ai souvent entendu à mes débuts à Paris. Une phrase suivie par des poignées de cacahuètes et un peu de champagne pour faire passer la longue attente avant l’arrivée des autres invités, qui prennent aussi l’apéro pendant une heure. Lorsque les entrées sont servies au plus tôt après 21h30, je suis la plupart du temps dangereusement éméchée. Apéritif, entrée, plat principal, dessert et café sont en France un rituel qui se termine rarement avant minuit. Le trajet est plus important que la destination.
Le premier dîner que j’ai organisé à Paris a été un fiasco total. Le soufflé que j’avais mis au four juste avant 20 h, était bien trop cuit à 20h30, lorsque tous les invités ont enfin été là. Je n’avais rien à grignoter en apéro ni pensé au dessert, qui est servi chez nous uniquement aux grandes occasions. Au moment de débarrasser la table et de passer à la deuxième partie de la soirée, mes invités étaient estomaqués : « Tu n’as rien prévu de sucré ? » Quelque peu embarrassée, j'ai pu leur proposer des yaourts et une fois la dernière cuillère léchée et le dernier café bu, mes premiers invités ont pris congé... à 21h30. Comme je l’ai appris plus tard, le café annonce la fin de la soirée.
Et cette soirée de nouvel an chez Serge n’a pas été une exception a la tradition française, nous avons mangé le plat principal juste avant minuit, puis trinqué au champagne et dansé. Le dessert a été servi à 3h. La soirée a été somptueuse, cependant la prochaine fois, je mangerai un sandwich avant de partir de chez moi.